Volontiers gestionnaires plutôt qu'idéologues, les édiles ébroïciennes dressent le portrait d'une ville qui cherche la bonne distance à Paris, consciente de ses atouts comme de ses faiblesses, et désireuse de bien faire.
Navarre, un quartier-ville.
En décrivant le fonctionnement du quartier de Navarre et son évolution, les habitants ont exprimé ce constat. Ils considèrent qu'auparavant le quartier, tout en étant une banlieue d'Évreux, était un quartier où la mixité se jouait sur place, où la rencontre - au travail, au café, à l'église -tenait le quartier. Aujourd'hui, tout en continuant à se définir [et donc à se représenter] comme une banlieue, ces dynamiques seraient complètement bouleversées. La nouvelle population, la fermeture de l'usine, l'affaiblissement des réseaux sociaux, feraient de Navarre un quartier résidentiel à faible pouvoir agrégatif.
Après avoir utilisé à plusieurs reprises le mot « banlieue » pour définir Navarre et pour expliquer son fonctionnement, les habitants ont déclaré préférer le mot « quartier » pour caractériser leur espace de vie. [Cela tient à l'image négative que véhicule ce mot, évoquant un espace socialement marginal et économiquement en difficulté, mais aussi au fait que le quartier est compris comme un lieu à part entière, ayant une existence et une autonomie propres, alors que le concept même de banlieue se réfère à un centre dont elle dépend.]
Un cap de diversification difficile à passer.
Certains participants considèrent que Navarre aurait pu avoir un statut différent dans la hiérarchie urbaine ébroïcienne du fait de la population qu'il avait auparavant [« petite bourgeoisie »] et du type de bâti et d'environnement offerts par le quartier [maisons individuelles et espaces verts]. Au contraire, Navarre aurait fini pour s'appauvrir fortement durant les dernières années.
Certains participants ont montré leur désaccord par rapport au constat précédent. Ils considèrent que le développement du quartier s'est fait surtout autour de l'usine, qui rassemblait une classe ouvrière importante. Cette dernière aurait marqué l'image et l'esprit [et le paysage] du quartier.
Par rapport à la dynamique globale de la ville, dans les années 60-70, travailler à l'usine de Navarre représentait un horizon de réussite et de mobilité sociale non négligeable, qui permettait l'accès à la propriété ou à un logement digne et à un statut social bien défini. Cette dynamique a été qualifiée d'embourgeoisement par les participants, surtout en comparaison avec ce qui se produisait dans le reste de la ville.
Les participants ont signalé que la fête des voisins est de moins en moins fréquentée à Navarre. Ils ont expliqué cela par l'appauvrissement de la population et par son changement. Les habitants de Navarre seraient détachés du quartier et n'interagiraient pas comme auparavant. [Il paraît probable que la cause de ce délitement social ressenti par les participants, soit la diversification croissante des populations du quartier, qui ne présentent plus le profil ouvrier homogène d'il y a 40 ans et qui doivent donc reconstruire une cohésion autour de nouveaux référents communs.]
Les voisinages d'Évreux sont-ils les voisinages de Navarre ?
Les habitants sont revenus, à nouveau lors de cette réunion, sur le statut de petit village qu'avait alors le quartier de Navarre. Ils ont évoqué, de façon nostalgique, le style de vie de l'époque, centré autour de l'église comme lieu de rencontre et de la gare de marchandises.
Les habitants considèrent que l'image extérieure du quartier est très positive à cause de la qualité de ses espaces verts [forêt], de son paysage urbain [maisons individuelles et petits immeubles] et de sa situation géographique. Tout cela rendrait le quartier attractif pour les habitants et pour les promoteurs, qui y verraient des possibilités avantageuses d'investissement.
Des vestiges d'une époque révolue qui pourraient accélérer le changement.
Les participants ont décrit le processus de changement du quartier de Navarre et de sa population. Contrairement à autrefois, où les habitants du quartier se connaissaient entre eux et travaillent dans le quartier, aujourd'hui Navarre serait le lieu de résidence de couches moyennes qui ne font pas leur vie (travail, loisir) dans le quartier.
Les habitants ont exprimé le regret de ne pas avoir à Navarre de véritables espaces de rencontre et de sociabilité en mesure de produire du lien et de l'identification [espaces publics]. Tout en appréciant le rôle joué par les associations, ils considèrent que ces dernières ne sont pas suffisantes et qu'il faudrait mettre à disposition de la population des espaces ouverts [non structurés ou formalisés comme le sont les associations], comme une place, des bancs publics, etc.
Un environnement qui doit s'adapter aux nouvelles pratiques des habitants.
Suite à une sollicitation spécifique à propos du projet du Grand Paris, certains ont exprimé ce constat, revenant sur une assertion de la précédente réunion, ayant exprimé une incompréhension vis-à-vis de l'influence de ce projet pour Navarre. D'après les participants, Évreux devra trouver sa place dans ce projet pour ne pas se retrouver marginalisée. [Ce qui ne présume pas du rôle du Grand Paris pour Navarre.]
Une politique urbaine qui a du mal à porter ses quartiers.
Le quartier héberge un nombre élevé d'associations qui ont un rôle non négligeable dans la gestion quotidienne du quartier, mais qui n'interagissent pas énormément, selon certains participants.
Tous les participants étaient d'accord sur le fait que les associations de Navarre ont un rôle énorme pour faire vivre le quartier au quotidien, mais que cela tient au court terme. Les associations souffriraient du fait de ne pas arriver à se fédérer autour d'un projet commun et global concernant le développement du quartier et de son intégration au reste de la ville.
Les participants adhérant à l'association l'Amicale de Navarre ont décrit le travail de cette dernière au quotidien pour expliquer de quelle façon elle contribue au projet social du territoire. Ses activités vont de la discussion autour de sujets sensibles [appauvrissement du quartier] à l'organisation de la fête du quartier.
Les participants ont exprimé par ce constat le fait que la ville ne manque pas d'idées ou de projets définis, mais plutôt des moyens et de la volonté pour les réaliser et les mettre en ?uvre.
D'après tous les participants, les Conseils de quartiers ne marchent pas comme ils pourraient. Certains habitants ayant participé, ont signalé que les Conseils s'occupent de choses très [trop] précises et ponctuelles [trottoir, ralentisseur, etc.] sans même savoir si elles seront réalisées. À cela s'ajoute le fait qu'ils sont de moins en moins fréquentés et qu'ils se réunissent très rarement [une réunion de 2 heures tous les 3 mois], ce qui empêche un travail continu et cohérent. Pour donner un nouvel élan à ces Conseils de quartiers, les participants souhaiteraient qu'il y ait du personnel expressément consacré à leur fonctionnement au sein de la Mairie ou de l'Agglomération.
Urbaniser « à l'insu de leur plein gré » ?
Les habitants ont exprimé ce constat à propos de l'intérêt croissant de la ville et de l'agglomération vis-à-vis des terrains non exploités de Navarre,. Ils ont signalé qu'il n'y a pas un axe général de développement du quartier à cause de la forte politisation des enjeux et du fait que la ville n'est pas propriétaire des terrains concernés. Cela engendre le fait que la ville mette en stand by des projets bien définis et déjà finalisés, et qu'elle se garde d'ouvrir « ce dossier » à la population, à travers la communication ou la participation.
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