Allonnes

Un nouveau peuplement


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Intelligence prospective

Allonnes, un problème de populations : on se réfère ici à la qualité, la quantité et l’évolution des habitants, toutes catégories confondues : résidents, actifs, usagers, touristes, citadins, citoyens, électeurs, migrants, etc. Allonnes est née d’une seule traite dans les années 1960, pour loger la masse des ouvriers travaillant dans les usines Renault voisines. La population, très homogène démographiquement et socialement, a vieilli sur place, posant aujourd’hui un sérieux problème de renouvellement. De plus, la ville s’est développée comme simple réceptacle de la population, qui a du mal à l’envisager aujourd’hui comme un choix d’habiter correspondant à une manière d’être ensemble. La ville continue d’être perçue comme la juxtaposition des immeubles où l’on dort, plutôt que comme une société spécifique, fondée sur la vie en coprésence, qui forme un tout dépassant la somme de ses parties. De ce fait, Allonnes a du mal à se penser comme un centre régional capable d’attirer une population diversifiée, en partie plus jeune et plus riche, grâce à la qualité urbaine qu’elle aura su développer. C’est pourtant la principale solution qui s’offre à elle et qui lui permettrait de passer le cap de cette crise de croissance, de ville champignon à centre urbain.

État des lieux en 2010

Horizon bouché par Le Mans

Allonnes est perçue par ses élus et par ses habitants comme une banlieue du Mans. Elle est donc systématiquement envisagée en fonction de ce centre, auquel elle se sent plus ou moins bien reliée et qui reste la référence première pour son développement futur. La ville est pensée comme subalterne et dépendante de son grand voisin, ce qui limite fortement ses options et ses scénarios d’évolution.

De ce fait, l’éloignement physique d’Allonnes vis-à-vis du Mans et l’existence d’une coupure matérielle entre les deux espaces (zone non construite) sont vécus comme un handicap à surmonter, notamment par la mise en place de liaisons de transport plus rapides et plus fréquentes, visant à réduire l’éloignement et à favoriser l’intégration de la ville dans l’orbite urbaine du Mans. La ville n’est, en aucun cas, imaginée comme pouvant devenir un centre urbain, au même titre que Le Mans, bien que de taille plus réduite. Un contexte dans lequel la séparation physique d’avec Le Mans serait un atout et non un obstacle à son développement, s’il était projeté de manière autonome. La coupure place en effet les deux villes sur des orbites distinctes, augmentant ainsi le potentiel d’attraction de chacune sur son environnement proche, tout en limitant la concurrence.

L’horizon d’Allonnes se trouve pour l’instant bouché par Le Mans, dans la mesure où il y aurait peu d’essor à espérer dans le fait d’être une banlieue assez éloignée d’une ville moyenne peu dynamique. La ville semble avoir peu de chances de tirer son épingle du jeu en pariant sur la force d’entraînement du Mans, qui n’est pas très importante et qui se dirige plutôt vers les communes du nord-ouest, proches de l’agglomération parisienne.

Une ville vieillissante qui se pose des questions sur sa population

Allonnes est la ville d’une génération et d’une époque : les années soixante. Depuis sa création ex-nihilo elle a vieilli sur sa base, aussi bien architecturale, productive que démographique, sans parvenir à se renouveler.

Au moment de sa création, cet effet générationnel présentait de nombreux avantages de cohésion sociale et de cohérence urbaine. Les habitants appartenaient à la même classe d’âge, à la même classe sociale, au même espace productif et vivaient dans un espace urbain uniforme.

Une équation apte à développer fortement le sentiment identitaire et d’appartenance, qui ont permis de faire perdurer la ville pendant les cinquante dernières années et de lui conférer une forte unité politique, exprimée notamment à travers la récurrence du vote communiste, spécifique à la commune par rapport à son environnement direct.

Avec le temps, cet avantage s’est progressivement transformé en double handicap : car la population a vieilli en masse et pose aujourd’hui la question de son renouvellement ; car de nouveaux arrivants sont venus s’installer à Allonnes et que l’intégration avec les « native s» soulève de nombreuses questions.

La ville doit se renouveler et sa population est déjà en train de changer. Quelle direction donner à cette transformation ? Qui veut-on attirer à Allonnes ? Comment reconstruire l’identité et la cohésion urbaine sur cette nouvelle base ? Comment gérer la transition avec la génération précédente et les futures années de cohabitation dans une diversité toute nouvelle pour beaucoup ?

Une rénovation urbaine en profondeur

La ville est également engagée dans un renouvellement de son paysage urbain à travers l’opération de rénovation urbaine en convention avec l’ANRU. Cette dernière a pour objectif de rafraîchir le parc locatif et de construire de nouveaux logements, en alternative aux barres des années soixante.

Le paysage relativement uniforme de la ville va donc progressivement laisser place à un urbanisme différencié, faisant la part belle à des constructions plus basses et aux maisons individuelles, ainsi qu’aux espaces verts.

Cette rénovation sera également l’occasion de mettre sur le marché allonnais un large choix de logements en accès à la propriété, qui viendront faire contrepoids à la forte prééminence des logements locatifs, pour la plupart en HLM, qui caractérise la ville.

Allonnes est donc d’ores et déjà engagée dans une dynamique de changement de fond et de forme, qui la conduit à quitter son statut de ville des années soixante, à l’architecture uniforme en barres et au zonage fonctionnel, pour suivre un modèle plus moderne et diversifié.

Ce qui ne sera pas sans conséquence pour la population d’Allonnes, dont la composition sera certainement modifiée en proportion de cette requalification. Certains parmi les anciens ne pourront — faute de revenus suffisants — ou ne voudront pas — par rejet de la nouvelle identité urbaine ainsi créée — continuer d’habiter la ville, alors que de nouveaux habitants viendront s’y installer pour bénéficier des aménités en cours de construction.

La transformation concernera aussi les représentations collectives et l’identité commune des Allonnais, qui semble s’être progressivement incarnée dans cette architecture en barres. De stigmatisante, elle est devenue référentielle pour la population, qui devra se constituer de nouvelles valeurs communes, à mesure qu’elle ira en se renouvelant et que le paysage évoluera.

Une centralité qui se cherche

L’opération en convention avec l’ANRU vise également à développer une centralité plus forte pour Allonnes, autour de la place du Mail et de l’actuel espace commercial, qui font l’objet de travaux d’aménagement et de rénovation. La ville se présentant pour l’instant comme un vaste quartier de banlieue, il s’agit de la structurer autour d’un pôle plus fort, plus attractif et plus identifiable architecturalement, qui pourrait jouer le rôle de centre-ville.

La construction de nombreux logements dans la ZAC située à l’ouest de la ville, dont la superficie représente un tiers de la surface actuelle de la commune, provoque quelques inquiétudes parmi les habitants, qui ont du mal à comprendre l’articulation entre les deux grands projets de relance urbaine en cours dans la ville. En effet, la ZAC pourrait devenir un pôle central et attractif de la ville, rattaché à l’ancien noyau villageois d’Allonnes, qui ferait alors concurrence à la place du Mail pour le rôle de centre-ville.

Dans ce cas de figure, le risque serait de voir la ZAC s’affranchir progressivement d’Allonnes, pour devenir une sorte de ville secondaire, drainant les flux alentour au détriment de la ville centre, comme le redoutent les habitants. Ces derniers souhaitent que le développement de la ZAC soit mis en cohérence avec celui de la place du Mail pour qu’une véritable hiérarchie spatiale et fonctionnelle s’établisse entre les deux espaces.

Autonomie politique forte et affirmée

Le statut communal d’Allonnes dépasse la simple qualification administrative pour atteindre une véritable communauté politique et sociale. L’autonomie politique de la ville et sa forte cohésion interne se traduisent par un engagement des citoyens et une capacité à faire pression sur la communauté urbaine du Mans métropole, pour faire avancer les projets tenant à cœur aux Allonnais.

C’est le cas notamment pour l’installation de la ligne de bus reliant Allonnes au centre du Mans, qui était considérée comme une priorité et une nécessité par les habitants et qui a fini par être réalisée grâce à un important engagement citoyen et aux nombreuses implications des pouvoirs locaux.

La petite commune d’Allonnes, de par son fonctionnement interne et l’implication de sa population, a donc les moyens de faire entendre sa voix dans l’ensemble urbain manceau. Ce qui lui confère un statut nettement plus élevé et indépendant que celui de simple banlieue du Mans, tant du point de vue administratif que de celui du poids politique.

Vision prospective pour 2040

Une vraie société urbaine dans une vraie ville

La société allonnaise sera devenue mixte. Des populations diverses, aussi bien par leur origine que par leur catégorie sociale, cohabiteront pacifiquement car les logiques de groupe et d’appartenance communautaire sur le long terme auront cédé la place aux interactions individuelles au jour le jour.

La population allonnaise sera composée de résidents mais aussi de présents, utilisant la ville pour le travail ou les services qu’elle offre, sans y résider en permanence. La société urbaine d’Allonnes se sera enrichie du passage de tous les habitants des alentours plus ou moins proches qui pratiqueront la ville au quotidien. Par exemple, des bureaux se seront installés près de la place du Mail et des employés s’y rendront chaque jour, faisant ainsi vivre également le tissu commercial et de restauration tout proche.

Parmi les nouveaux arrivants à Allonnes, on trouvera une population moins pauvre et plus jeune (notamment des jeunes ménages avec enfants), attirée par la qualité de l’offre urbaine en termes de logements, de services et de paysages, qui contribuera à diversifier encore la société locale et à renforcer sa mixité.

L’attractivité d’Allonnes tiendra en partie au fait qu’elle aura fabriqué de véritables espaces publics, permettant des usages multiples et non programmés par les habitants. Elle aura ajouté à l’offre très importante d’espaces semi-publics déjà existants, comme les associations et les aires de jeu installées devant la grande majorité des immeubles de logement, pour développer des espaces publics à part entière, dans lesquels les activités ne sont pas encadrées, ni les membres sélectionnés. Elle aura ainsi maximisé les imprévus, donc les opportunités heureuses, qui font de la vie urbaine un foisonnement permanent d’occasions et d’ouvertures.

Un centre majeur de l’agglomération mancelle

Allonnes ne sera pas devenue une banlieue du Mans mais un centre relais, bien séparé de cette dernière par une discontinuité morphologique qu’elle aura entretenue et maîtrisée plutôt que de chercher à la remplir.

Allonnes aura réussi à créer une proximité fonctionnelle avec Le Mans, grâce à des liaisons directes et rapides avec le centre-ville et avec la gare, permettant par exemple à des Allonnais de résider sur place tout en travaillant au Mans, et vice versa. Allonnes sera donc en réseau avec Le Mans, ce qui lui permettra d’occuper la place de centre dans l’agglomération mancelle, et pas seulement celle de quartier de banlieue.

Elle jouera notamment un rôle pour le secteur sud-ouest de l’aire urbaine, en drainant les actifs alentour : pour travailler sur place, pour offrir des services de proximité et pour servir de nœud de transport relais vers Le Mans.

Devenue un centre vis-à-vis de l’extérieur, Allonnes assumera également sa centralité de l’intérieur. La place du Mail, avec ses commerces et ses bureaux, sera devenue le cœur de la ville, présentant une forte densité et diversité d’offres urbaines et des temporalités élargies en soirée et en week-end. Les autres espaces de la ville, comme le vieux noyau villageois, la ZAC ou le quartier des Hautes Métairies, auront trouvé leur place dans l’espace urbain, sous le commandement du centre-ville.

Une banlieue résidentielle de l’ouest du Bassin Parisien

Allonnes aura mis en place une liaison directe avec la gare du Mans (au moins aux heures de pointe), permettant des mobilités pendulaires d’actifs parisiens vers la capitale, tout en profitant des avantages économiques et paysagers offerts par une petite ville. Plusieurs fois par jour, Allonnes se trouvera à seulement une heure quinze de Paris et pourra donc récupérer une partie des travailleurs parisiens cherchant à se loger « à proximité ».

Pour répondre au besoin croissant de logements des parisiens n’ayant plus les moyens de résider en centre-ville ou dans la proche banlieue, Allonnes aura également développé une offre résidentielle pour les jeunes ménages, en jouant sur les prix immobiliers et sur l’offre de services à cette catégorie d’habitants (éducation, sport, culture, environnement...)

Orientations stratégiques pour 2020

Changer d’échelle

Stratégiquement, il est nécessaire de changer la manière de considérer la ville et donc d’envisager les projets d’aménagement et de développement. Pour cela, il faut changer d’échelle et ne plus considérer la ville comme un bloc soudé devant se rapporter aux autres villes mais comme un ensemble d’unités élémentaires pouvant avoir des relations de voisinage variées et des traitements différenciés.

Par exemple, le centre-ville d’Allonnes, organisé autour de la place du Mail, peut fonctionner en relation directe avec celui du Mans ou bien avec le sud-ouest de l’aire urbaine, sans que cela n’inclue systématiquement le reste de la ville. Le quartier des Hautes Métairies, notamment, est situé trop loin pour être toujours inclus dans les projets urbains et nécessite un traitement particulier, autre que celui réservé à l’espace central de la ville.

Monter en centralité

D’ici 2040, Allonnes doit tout faire pour dépasser son statut actuel de quartier du Mans (en termes fonctionnels et du point de vue de son image) pour devenir un centre à part entière dans le réseau urbain local et régional. Et ce, y compris aux yeux de sa propre population, qui peine à considérer la ville autrement que comme une petite périphérie du Mans.

Cela se joue à l’échelle de l’agglomération, dans laquelle elle doit trouver une place à part entière, mais aussi à l’échelle de la ville, qui doit assumer une véritable centralité interne, incarnée par un seul espace mis en valeur comme tel : la place du Mail.

La montée en centralité devra également s’accompagner d’une augmentation de la diversité urbaine, concernant les populations — attirer des ménages avec enfants —, les services — privilégier le « care » et les services à l’enfance —, ainsi que les paysages — rompre avec l’homogénéité des barres, etc. Bref, quitter la ville dortoir en se dotant de tous les attributs de centralité d’une ville moderne.

La ville aura aussi intérêt à investir tout particulièrement dans les espaces publics, pour en développer le nombre et la qualité, afin de se donner les moyens d’intégrer et de brasser efficacement les nouvelles populations qui ne manqueront pas d’affluer.

Stratégies de déblocage

Il existe un certain nombre de stratégies de déblocage à mettre en œuvre pour parvenir à ces objectifs et donc à la vision prospective dessinée pour Allonnes en 2040 :

  • décommunautariser la ville : il s’agit d’arrêter de se penser comme une île, celle des « Allonnais », qui se caractériserait par son unité et son uniformité, comme pourrait l’être un quartier de ville à forte identité locale. Puisqu’Allonnes est administrativement une ville, elle doit se développer comme telle, en privilégiant la mixité et l’ouverture, pour quitter la logique de groupe et entrer dans celle d’une société urbaine d’individus. Cela passe notamment par le fait de privilégier l’arrivée de présents parmi les habitants, c’est-à-dire de gens qui viennent régulièrement à Allonnes et contribuent à faire vivre la ville, même s’ils ne sont pas d’Allonnes.
  • garder les hiérarchies : il faut construire des hiérarchies claires entre les différents espaces de la ville, dominés par un centre-ville fort, qui commande le reste des quartiers urbains. Pour cela, il faut éviter de faire de la ZAC un centre bis, en menant parallèlement ce projet à celui en convention avec l’ANRU, sans coordination et hiérarchie entre les deux. Une telle démarche impliquerait la mise en place de deux centres pour un si petit espace, vouant ainsi à l’échec l’émergence d’une ville à part entière et condamnant Allonnes à devenir un assemblage de quartiers ayant chacun leur centre.
  • conserver une autonomie politique : il est nécessaire pour Allonnes de conserver un poids en tant que centre fonctionnel dans l’agglomération, pour ne pas devenir un quartier du Mans qui ne serait plus une commune à part entière. Il faut donc que la ville garde une légitimité locale pour Allonnes, y compris vis-à-vis des élus de l’agglomération. Pour cela, il est indispensable de continuer à créer des projets à défendre et à porter pour ne pas se laisser englober par les échelles de fonctionnement plus grandes, comme la capacité à agir sur les transports.
  • établir une offre de service très finement définie : pour parvenir à tirer son épingle du jeu, Allonnes doit trouver un créneau d’existence autonome et concurrentielle dans l’espace urbain manceau, voire aux marges du Bassin parisien. Il lui faut donc mettre en place une offre de service — probablement tournée vers les services publics à la personne dans lesquels la ville dispose déjà d’une bonne expertise — ciblée, répondant aux besoins des personnes à attirer. Cela pourrait passer par un ciblage préalable de ces populations, susceptibles de fréquenter Allonnes et de contribuer à lui donner une nouvelle identité.
Synthèse des réunions 1, 2 & 3

Les deux groupes, élus et professionnels d’une part, habitants d’autres part, ont montré une forte convergence de visions quant à la ville d’Allonnes, tant concernant sa spécificité – ville ouvrière des années 1960 à l’architecture en barres – que ses atouts – une excellente offre culturelle et sociale – et les enjeux qu’elle aura à affronter d’ici 2030 : renouveler sa population et redéfinir sa place urbaine dans l’agglomération mancelle et au-delà.

Le cap prospectif : renouveler la ville et sa population

Les échanges avec les deux groupes ont fait ressortir l’image d’une ville vieillissante, tant démographiquement que dans son image, encore largement connotée par son origine ouvrière dans les années 1960.

Le paysage urbain est marqué par un urbanisme en barres caractéristique de cette époque, qui n’est plus apprécié aujourd’hui par les Allonnais, bien qu’ils soient encore attachés au principe du logement collectif et de l’habitat à loyer modéré. 

On constate également une certaine faiblesse des espaces publics, ne favorisant pas la construction d’une appartenance collective à la ville, en tant qu’objet et lieu de vie. Les liens sociaux sont perçus comme forts à Allonnes, mais ils tiennent davantage à la communauté identitaire formée par l’histoire ouvrière qu’à un attachement commun à la ville. 

Allonnes présente aussi un sérieux problème d’image. Les habitants comme les élus et les professionnels souhaiteraient se débarrasser de l’image de « banlieue sensible » et de « ville dortoir » qui colle apparemment à la ville, sans que rien ne soit en mesure de venir remplacer cette réputation stigmatisante pour l’instant. Et ce d’autant moins que la ville vit à l’ombre de sa voisine, Le Mans (qui s’est fait connaître par deux références relativement importantes, les rillettes et les 24h du Mans), et que les problèmes de délinquance qui ont fait une partie de sa réputation ne sont pas complètement résolus d’après les habitants.

En comparaison avec Le Mans ou avec d’autres villes voisines (Caen, Rouen), Allonnes souffre d’un manque d’urbanité, qui handicape son attractivité : l’offre de loisirs peu diversifiée, notamment en nocturne, tout comme celle de l’enseignement supérieur (absente), ou encore la faible qualité des paysages urbains, placent Allonnes à un moindre niveau urbain que ses voisins. Ce qui conduit les habitants à considérer leur ville plutôt comme une extension du Mans que comme un centre urbain à part entière, même secondaire et qui les fait douter de sa capacité à attirer les nouvelles populations pourtant indispensables à la survie de la ville.

L’ensemble de ces constats problématiques contribuent donc à définir un cap prospectif pour la ville, fondé sur la recherche d’un nouveau modèle urbain, associant nouveaux lieux, nouvelles personnes et nouvelle image, dans un espace commun refondé.

La carte des ressources : nouvelles populations, ZAC, liaison Allonnes-Le Mans-Paris

Allonnes doit donc trouver les moyens de se renouveler et d’attirer de nouvelles populations, tout en gérant les mutations que cela impliquera. La diversification des habitants a déjà commencé, avec la présence croissante de populations d’origine étrangère et avec l’essor d’une population présentielle, utilisant la ville sans y résider. Ce qui entraîne un certain rajeunissement, ces populations étant essentiellement en âge actif, et souvent des ménages avec enfants.

Les deux groupes de participants ont placé au cœur des enjeux stratégiques d’avenir, la rénovation du bâti et la mise en œuvre d’une architecture plus qualitative, privilégiant les constructions basses. Cette démarche apparaît comme une condition sine qua non du renouvellement de la ville et de son attractivité future. La nouvelle ZAC apparaît ainsi comme une ressource incontournable pour penser le futur de la ville, dans une dynamique assumée de changement, vers davantage d’urbanité et de centralité. 

Allonnes possède d’autres ressources exploitables en matière d’offre urbaine, notamment pour ce qui concerne les activités scolaires et parascolaires, ainsi que les activités culturelles et même les loisirs liés aux espaces verts. À tel point que les participants ont insisté sur le fait qu’il n’était quasiment pas nécessaire de quitter Allonnes pour la plupart des activités quotidiennes et même une partie des activités récréatives (sauf le cinéma). Cette petite commune semble donc disposer d’une offre urbaine relativement importante, suffisante à lui assurer une certaine autonomie et parvenant même à attirer de la population des communes alentour. Ce potentiel pourrait prendre tout son sens dans le cadre du renouveau urbain attendu par la ville et ses habitants, en attirant des populations nouvelles et en contribuant à reconstruire une autre image d’Allonnes. Il est cependant intéressant de remarquer que ce potentiel de centralité urbaine est difficilement appréhendé comme tel par les habitants, qui continuent de se considérer comme un point insignifiant parmi les « vraies villes » qui les entourent. 

Pour finir, la liaison entre Allonnes et ses voisins, sur la base de la ligne de bus reliant la ville à la gare TGV du Mans, ce qui élargit la liaison à la capitale, située à 1h20 de transports seulement, fait figure de ressource d’avenir majeure. Les trois réunions ont montré l’importance accordée par tous à la connexion d’Allonnes aux réseaux urbains voisins, pour être en mesure de se développer dans la relation aux autres villes, et notamment à Paris. Les deux groupes ayant bien conscience du fait que l’avenir de la ville se jouera autant « dans ses murs » qu’en relation avec l’extérieur. Allonnes n’est pas un espace urbain fermé, dont le futur résiderait dans une reproduction du modèle des années 1960, par simple remplacement d’une population par une autre, mais un centre ouvert, qui doit trouver sa place dans un réseau plus large. D’où l’accent mis par les habitants sur l’atout que représenterait pour la ville la mise en place d’une liaison plus fréquente et rapide, créant une sorte de continuité relationnelle avec Le Mans.

Synthèse des réunions 4 & 5

Face à la nécessité pour Allonnes de faire peau neuve, en renouvelant sa population et donc en refondant son identité urbaine toute entière, deux obstacles majeurs sont apparus dans le dialogue avec les habitants : d’une part la difficulté à appréhender la ville comme un ensemble diversifié de lieux, d’habitants, de fonctions, etc. ; d’autre part, la complexité à construire une politique urbaine multimodale, qui ne parie pas sur des solutions uniques. L’essentiel va donc se jouer autour des capacités de la ville à intégrer la future diversification en recréant des repères collectifs et à à fonder son avenir sur la mise en relation et en réseau des initiatives et des espaces.

Radar, les obstacles potentiels : embourgeoisement, dislocation.

Ne pas remplacer les uns par les autres

Les habitants peinent à s’affranchir de la représentation d’une population homogène, dans la pauvreté comme à l’origine de la ville, ou dans la richesse relative, comme pourraient l’être les futurs habitants d’Allonnes. Une manière de voir les choses qui présente deux difficultés : 

  • Une tension ressentie comme très forte par les habitants entre l’identité précédente de la ville, lieu d’accueil privilégié des populations les moins aisées, à dominante ouvrière, et celle de son futur proche, dominé par un embourgeoisement, avec l’arrivée de jeunes ménages à fort capital culturel et économique et le développement d’une fonction tertiaire attractive près de la gare. Les participants ont tendance à affronter cette évolution comme un dilemme car ils ne parviennent pas à imaginer la cohabitation de différentes populations au sein de la ville [« Si on faisait des lofts en réaménageant les logements vacants des relogés, on pourrait attirer une nouvelle population. »] ;
  • Une réelle difficulté à se projeter dans un espace plus urbain que ne l’est Allonnes actuellement, dont la caractéristique serait justement d’être diversifié, tant en termes de populations (diversité des niveaux sociaux et des origines) que des fonctions (pas de domination exclusive d’un secteur), des paysages (pas uniquement des tours ou des habitations collectives) et de l’offre immobilière (pas seulement des HLM et du locatif) [« On aura pas le choix, on va faire comme à Coulaine : petits immeubles. »].

La politique de la solution unique

Les participants ont exprimé la crainte que le très important projet d’aménagement que représente la ZAC ne soit envisagé comme une solution exhaustive pour l’avenir de la ville, alors que sa composition essentiellement résidentielle ne saurait être en mesure de répondre à l’ensemble des besoins de renouvellement d’Allonnes. La ZAC pourrait certainement attirer des populations nouvelles, notamment des ménages plus jeunes tendant à pallier le vieillissement de la ville, mais elle ne serait pas en mesure d’en assurer la croissance plus globale.

Pire, dans le cas où elle constituerait l’unique projet majeur pour l’avenir d’Allonnes d’ici 20 ans, la ZAC risquerait de déséquilibrer encore davantage les logiques urbaines actuelles, au détriment du centre-ville déjà fragile. Une évolution qui pourrait aggraver l’éclatement actuel de la ville en noyaux résidentiels fonctionnant à différentes vitesses et les clivages existant d’ores et déjà entre quartiers et entre composantes de la population.

Tableau de bord, les principaux enjeux d’avenir : intégrer, relier, oser

Intégrer

La diversification de la population qui se profile pour Allonnes impliquera une nécessaire adaptation identitaire à une nouvelle collectivité urbaine, qui ne véhiculera ni les mêmes pratiques, ni les mêmes valeurs que celle des années 1960. Un des enjeux sera donc de trouver de nouveaux fondements et repères identitaires, qui fassent lien et lieux communs entre la nouvelle ville et ses nouvelles populations.

Dans cette perspective, les habitants ont insisté sur l’importance de conserver l’esprit du lieu, et notamment le lien social et la solidarité qui font la spécificité de la ville, quitte à ce qu’ils ne s’exprime plus à travers les mêmes vecteurs. Il devra notamment devenir un moteur de brassage, pour parvenir à intégrer les populations d’origine étrangère de plus en plus nombreuses, qui sont, pour l’instant, cantonnées aux quartiers de Chaoué et Les Perrières [« Chaoué-Perrières se ghettoïse de plus en plus. »]. D’un autre côté, la dynamique de vieillissement de la population pose le problème des équipements et d’une offre urbaine adaptés aux exigences des personnes âgées, qui devront continuer d’être pris en compte, malgré l’objectif prospectif de renouvellement de la population [« La Péniche, ce n’est que pour les jeunes. »].

Il s’agit donc de faire venir de nouveaux habitants mais aussi d’organiser la rencontre et la coexistence entre les différentes composantes de la population, pour éviter une juxtaposition dans la tension, telle qu’elle se profile actuellement entre classes d’âge, classes sociale et « classes nationales ». 

Relier 

Pour ce faire, il est indispensable que les projets de développement urbain soient pensés en cohérence et que le centre-ville y joue pleinement son rôle moteur. Dans une ville dynamique, le centre assure à la fois un rayonnement attractif vers l’extérieur, une influence cohésive sur l’intérieur (constituer un lieu de rassemblement et une référence identitaire collective) et un accompagnement à la diversité par l’organisation de la rencontre des populations, des fonctions, etc. 

Les habitants ont donc insisté pour que le projet de ZAC soit physiquement relié au centre-ville et fonctionnellement soumis à son commandement, pour éviter une concurrence délétère entre les deux espaces. Il s’agit en effet d’éviter que la ZAC ne se transforme en substitut incomplet de centre-ville, ou qu’elle ne finisse par ressembler à une sorte de « ville dans la ville » sans aucun lien avec le reste de l’espace urbain, ainsi privé d’un centre et d’un quartier dynamiques [« La ZAC sera excentrée, il n'y a rien qui la relie. » ; « Il serait intéressant de voir une passerelle entre la ZAC et la place du Mail. »]. 

Pour les habitants, l’horizon de développement d’Allonnes d’ici 2030 passe donc nécessairement par la rénovation du centre-ville, d’autant plus que la rénovation de la place du Mail, cœur de ce quartier, est en train de s'achever [« Si Allonnes avait un centre audacieux, tous les autres quartiers suivraient. »]. Ils ont notamment fait référence à l’enjeu que constitue le centre commercial, considéré comme un espace à fort potentiel peu exploité, et à la création d’une synergie positive entre ces lieux et la gare, reliant la ville au Mans et donc à Paris.

Oser 

Les participants ont montré tout au long des réunions une certaine timidité quant à l’avenir de leur ville, qu’ils peinent à imaginer autrement que comme une petite banlieue du Mans sans grande envergure. Ils ont cependant montré, en parallèle, une forte disponibilité envers des projets urbains qui sauraient se montrer audacieux et ambitieux, comme s’ils étaient en attente d’une politique urbaine en mesure de transcender leurs craintes. Les participants ont visiblement conscience qu’Allonnes doit faire face à un tournant majeur de son histoire urbaine. Dans ce contexte, les élus pourront s'appuyer sur des citadins qui se sont montrés prêts à assumer les défis et à « oser » leurs résolutions [« Les politiques doivent consulter la population, mais ils doivent aussi prendre leurs responsabilités et décider de projets ambitieux. »].

Les comptes-rendus des réunions
  • Réunion 1

    Un collectif d'acteurs politiques et professionnels convergent, conscient du problème générationnel et n'hésitant pas à se saisir des questions urbaines en tant que telles, mais peinant à élaborer une vision stratégique urbaine globale à la hauteur des enjeux de centralité à toutes les échelles.
  • Réunion 2

    Des habitants fortement conscients de l'identité marquée de la ville, dans la force du lien social comme dans les images négatives, qui aspirent à un renouvellement, tout en voulant conserver leur spécificité.
  • Réunion 3

    Entre quartier du Mans et ville à part entière, Allonnes peine à trouver sa place, dans un contexte où les mutations en cours nécessitent un nouveau positionnement. Malgré leurs craintes de dilution identitaire, les habitants parient sur la mise en relation avec les voisins (Le Mans, Paris) pour l'avenir de leur commune.
  • Réunion 4

    Les premières projections dans l'avenir urbain d'Allonnes avec les habitants ont fait apparaître un risque de décalage entre les mesures d'urbanisme mises en ?uvre (ZAC, requalification de la place du Mail) et leur intégration dans une dynamique urbaine plus large, capable de « faire ville », au-delà des équipements. Est ressortie également la difficulté à venir dans la gestion d'une inexorable (et nécessaire) diversification des populations, pour lesquelles la ville ne constitue pas encore un lieu commun.
  • Réunion 5

    Les principaux mots-clé retenus par les habitants pour l'avenir d'Allonnes sont : renouveau et audace. Pour autant, il ne s'agit pas de faire table rase du passé, mais de trouver un moyen d'intégrer les différents espaces et populations de la ville dans un ensemble urbain commun et dynamique. Un enjeu prospectif essentiel sera donc de parvenir à incarner cette mixité, au-delà des projets d'urbanisme, en créant une entité spatiale qui dépasse la simple agglomération de population dans un espace bâti et en aidant les habitants à surmonter les tensions qui surgiront inévitablement des mutations en cours.

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