Les principes
fondateurs
La démarche de prospective participative articule des objectifs scientifiques et une méthode d’enquête faisant intervenir le point de vue des habitants. Décentrée sur les quartiers en difficulté, elle aborde la dynamique urbaine dans son ensemble, en portant son attention sur les processus plutôt que sur les états des lieux.
Prospective + participative
La notion de prospective participative est considérée dans la démarche comme la combinaison de deux composantes clairement distinctes, et que l’on peut expliciter de la manière suivante :
- Un objectif prospectiviste. Il s’agit de tenir un discours scientifique sur le futur des villes participant à la démarche. C’est là le principal bénéfice pour ces dernières que, tout en servant de terrain d’expérimentation à une démarche encore peu pratiquée en France, de pouvoir disposer au terme de l’exercice d’une vision de leur avenir ancrée dans un travail de terrain minutieux et spécifique, mené directement par l’Agence de conseil en stratégie spatiale missionnée par le SG-CIV. Cette connaissance prospective a pour vocation d’informer les décideurs locaux des grandes alternatives qui se présentent aujourd’hui comme conséquence de leurs décisions stratégiques. L’horizon temporel retenu est à 20-30 ans, ce qui dégage l’exercice de considérations trop immédiates de politique locale, tout en restant un point de mire tangible pour les élus, en particulier du point de vue de leur responsabilité d’acteur public. Il fut rappelé aux élus que l’horizon temporel de 2040 est en phase avec la démarche de prospective lancée parallèlement par la DATAR à l’échelle nationale — Territoires 2040 —, dont les résultats pourront servir de cadre de référence à ceux de la présente démarche.
- Un ensemble de moyens à caractère participatif. La démarche de prospective vise in fine un objectif de programmatique politique. Il ne s’agit pas d’un simple exercice académique, ou d’étude plus générale sur les processus de transformation urbaine actuellement à l’œuvre en France. Pour autant, cette démarche n’est en aucun cas la mise en fonctionnement d’un dispositif de démocratie participative. La notion de participation vise ici à distinguer cette démarche d’autres, menées sur la base d’études statistiques, urbanistiques, ou d’ingénierie urbaine d’une manière générale. Mais en ses conclusions ne peuvent absolument pas être considérées comme représentatives d’opinions d’habitants, de résidents, de citoyens, ni ne peuvent remettre en cause ou être confrontées à ce qu’il ressort des débats participatifs, que les dispositifs légaux permettent aux municipalités d’organiser en vue d’améliorer la gouvernance locale.
Triptique productif : Élus/pros, habitants, experts
La méthodologie retenue a pour objectif la production d'énoncés prospectifs en tenant compte de trois sources d’information, considérées sans pondération a priori :
- Les élus et les professionnels. En tant qu’acteurs décisifs et décisionnaires dans les orientations opérationnelles de la ville à court et moyen termes, les élus et les professionnels sont écoutés pour mettre au jour leur vision d’avenir pour la ville qu’ils gouvernent, mais aussi leur conception plus générale du fait urbain et leur rapport à la ville comme lieu de vie — voire comme milieu naturel — de leurs administrés. Au-delà, ils sont aussi les porteurs de solutions aux problèmes rencontrés par certaines populations au sein du territoire qu’ils administrent. À ce titre, leur consultation permet de comprendre quel poids ils accordent au traitement spécifique des quartiers en difficulté dans leur politique urbaine globale, et quels sont, selon eux, les parties du territoire qui, du fait des difficultés qu’elles connaissent, sont celles qui sont le plus susceptibles de mettre en échec le processus d’amélioration ou de renouvellement urbain qu’ils ont engagé.
- Les habitants. Le caractère participatif de la démarche engagée par le SG-CIV tient pour une bonne part à la prise en compte de la parole des habitants dans le processus d’élaboration du propos prospectif. Ne reproduisant en aucun cas les dispositifs locaux de démocratie participative, les groupes d’habitants — qui ne se limitent pas a priori aux seuls résidents — rassemblent ceux qui vivent dans la ou les zones urbaines sensibles plus spécifiquement visées par la démarche. Le principe de leur interrogation par l’Agence QualCity n’est pas assimilable à une enquête d’opinion, dotée d‘une représentativité construite par échantillonnage de la population. Au contraire, ce qui est privilégié dans le travail avec les habitants, c’est la significativité des propos, c’est-à-dire leur capacité à témoigner de logiques et de mécanismes actuellement à l’œuvre dans les modes de vie urbains locaux et dont on peut penser qu’ils sont suffisamment persistants pour être considérés comme des axes structurant ou des leviers d’actions, pour penser le devenir de la ville à 20 ou 30 ans.
- Les experts. L’Agence de conseil en stratégie spatiale QualCity, les experts qu’elle peut mobiliser, mais aussi ceux du SG-CIV, composent le troisième groupe d’intervenants dans l’élaboration du propos prospectif, injectant dans la réflexion des éléments de cadrage, de théorie urbaine, de technique, d’ingénierie urbanistique et d’aménagement, de connaissance des enjeux sociaux, économiques et politiques locaux, de manière à situer la parole des deux catégories d’acteurs urbains dans une dynamique d’ensemble, qui puisse servir de cadre prospectif au sein duquel situer l’avenir de la ville. Cet apport singulier, organisé et médié par l’équipe de géographes qui mène la démarche pour le compte du SG-CIV, est un élément essentiel du dispositif, pour que celui-ci ne se limite pas à la confrontation sans doute stérile de deux enquêtes d’opinion menées auprès de deux publics différents, aux rapports à la ville parfois incommensurables.
Le travail mené par l’Agence QualCity peut ainsi être qualifié de « médiation savante » entre des acteurs urbains qui n’ont pas l’habitude de tenir sur leur ville des discours prospectifs dans des termes comparables. Au-delà du travail de mise en visibilité des positions des habitants des quartiers en difficulté, il s’agit de rendre commensurables ces positions avec celles tenues par les acteurs du pouvoir local, afin que ces derniers puissent les intégrer dans leur projet global pour leur ville.
Cette démarche est sensiblement différente de celle qui donnerait une valeur impérative aux demandes des habitants, ou d’autres qui auraient pour objectif de vérifier l’acceptabilité de projets urbains déjà largement conçus. La démarche de prospective participative, appelée, initiée et portée par les décideurs locaux, se propose au contraire d’aider ceux-ci à se saisir des positions tenues par les habitants sur les questions du devenir urbain de leur ville. Pour cela, la démarche aide ces derniers à élaborer leur position de manière à ce qu’elle soit compatible tant avec leurs aspirations et leurs pratiques, qu’avec les logiques urbaines globales et les dynamiques de transformation à l’œuvre localement sur le long terme.
L’approche globale par les quartiers en difficulté
Le volet participatif de la prospective conduite s’applique aux quartiers en difficulté des villes participantes. Cela signifie que les habitants des groupes de discussion sont des habitants des zones du territoires concernées par les problèmes urbains reconnus par la politique de la ville.
Pour autant, la prospective concerne l’ensemble de la ville. Elle n’est pas une prospective des quartiers sensibles seuls (que deviendront-ils ?). Elle concerne la ville dans sont entier, c’est-à-dire largement au-delà de la municipalité qui porte la démarche, prenant en compte le devenir de l’agglomération au sens de l’unité de gouvernance de niveau supérieur (ou la communauté de communes le cas échéant), mais plus encore, d’un point de vue physique l’unité urbaine (INSEE), et d’un point de vue fonctionnel l’aire urbaine (INSEE).
Ceci car l’évolution de quartiers en difficulté n’a de sens que par rapport à l’évolution de l’ensemble urbain dans lequel, justement, ils constituent de « poches de sous-développement » (terme juste, employé par la municipalité de Calais).
Cette approche prospective permet d’interroger les blocages. Plutôt que de raisonner sur la base de données statistiques extrapolées en tendances et confronter ainsi les trajectoires divergentes des quartiers en difficultés et des autres, l’originalité de l’approche pratiquée est aussi de porter une attention particulière aux espaces fragilisés par les dysfonctionnements des dynamiques urbaines récentes. On ne postule donc pas a priori l’existence de quartiers en difficulté, délimités durablement et persistant à l’horizon temporel de 2040. Les analyses portent, au contraire, sur les relations actuelles de ces quartiers avec le reste du tissu urbain.
L’attention portée aux processus
La méthodologie adoptée privilégie ainsi les procédés permettant de mettre au jour les mécanismes profonds du fonctionnement urbain local, intégrant tant les aspects matériels qu’immatériels et idéels.
La prospective pratiquée est donc fondée sur une analyse et une compréhension des processus à l’œuvre, et vise à discerner ceux qui sont susceptibles de structurer l’avenir urbain, ceux qui sont en perte d’influence, ceux qui peuvent devenir des facteurs de blocage par incompatibilité avec les processus dominants, mais aussi ceux qui, même s’il sont aujourd’hui secondaires, peuvent servir de point d’appui aux projets des décideurs locaux.