La réunion a fait ressortir une inquiétude marquée devant un risque de dépossession et des hésitations sur la manière d'upgrader l'offre urbaine de Vénissieux au niveau de celle attendue dans une métropole mondialisée et mondialisante, centrée sur la deuxième ville de France.
Vénissieux : une ville ou une juxtaposition de quartiers ?
Les participants ont souligné qu'à Vénissieux, il n'existe pas un véritable centre-ville autour duquel les autres quartiers peuvent s'organiser et se hiérarchiser. Ainsi, chaque quartier a son centre névralgique qui concentre, au quotidien, l'intérêt et les pratiques urbaines des habitants.
La plupart des participants préfèrent se rendre à Lyon s'ils souhaitent faire de nouvelles rencontres ou tout simplement se donner rendez-vous avec des amis. Pour les femmes notamment, Lyon offre un espace d'émancipation et de rencontres plus libre, qui ne leur est pas du tout accessible à Vénissieux.
Les participants souhaitent malgré tout souligner que Vénissieux n'est pas une « jungle urbaine », malgré les clivages nettement marqués entre les quartiers et les faits divers qui s'y déroulent.
À chacun sa place et son espace.
Selon les participants, les personnes les plus âgées de la ville n'ont pas l'habitude d'utiliser des espaces de rencontres, tels que les bars ou les restaurants, ou les espaces publics ouverts comme les parcs, les bancs, etc. [On peut faire l'hypothèse que cette tendance soit liée à la difficulté pour ces derniers de trouver une place dans ces espaces publics, davantage réservés à des composantes plus jeunes de la population.]
Le marché de Vénissieux ne semble pas attirer beaucoup de public hormis les retraités, le reste de la population préférant se rendre dans les centre commerciaux hors de la ville et dans les aires marchandes du centre-ville de Lyon.
Les participantes sont satisfaites de disposer d'un nouvel espace de rencontres qui leur soit consacré dans leur ville, sans avoir à se rendre à Lyon pour bénéficier du même service.
Les participants aux cours et stages de Bioforce, formation humanitaire internationale basée à Vénissieux, ont des logements réservés dans une des tours des Minguettes, mais ne se mêleraient pas à la population locale, d'après les habitants.
Les participants ont souligné la partition existante entre les habitants de Vénissieux fréquentant les piscines communales et les autres, qui préfèrent se rendre sur les plans d'eau de la région lyonnaire, plus ouverts et mixtes, mais également plus éloignés et plus chers.
Lors des échanges scolaires, les familles ayant reçu des élèves en provenance de pays étrangers, Allemagne notamment, ont précisé [comme une évidence] les avoir sortis le plus possible de l'environnement de Vénissieux pour leur faire visiter Lyon et les environs. [On peut faire l'hypothèse que Vénissieux leur soit apparu comme manquant d'intérêt, mais aussi comme un espace où ils n'auraient pas leur place et qu'il valait mieux éviter.]
Une relation très intense avec les voisins proches et lointains, mais à sens unique.
Certains participants souhaiteraient changer le nom des Minguettes pour se débarrasser de l'image stigmatisante de ce quartier.
D'autres participants considèrent, au contraire, qu'il faut assumer ce nom car il constitue l'identité même de leur quartier et que, de toute façon, il est suffisamment ancré dans les mentalités pour résister à n'importe quel changement officiel de nom. [Il est à noter que la discussion a porté uniquement sur le nom des «Minguettes» et pas sur celui de Vénissieux, ce quartier ayant visiblement tendance à phagocyter la ville entière dans les représentations, des habitants comme de l'extérieur.]
Un passé qui fait débat dans la construction identitaire.
Les participants ont précisé ne pas beaucoup pratiquer le centre historique de Vénissieux, sauf pour une occasion particulière, le festival des Escales ayant lieu à la mi-juillet de chaque année.
Les participants ont pointé le fait qu'il existe très peu de liaisons pour aller d'une banlieue à l'autre, ce qui handicaperait les relations entre ces espaces. [Il s'agit d'une remarque récurrente dans tous les groupes : la construction radio-concentrique des transports en commun est souvent critiquée par les habitants des quartiers périphériques, qui se sentent ainsi dépendants du centre-ville. On peut néanmoins s'interroger sur la réelle efficacité de transports banlieue-banlieue, surtout dans les villes petites et moyennes, où les habitants ont essentiellement décrit des pratiques incluant le centre-ville et quasiment pas les autres quartiers, dans lesquels ils n'ont rien à faire de spécifique.]
La vision et la pratique du nouveau tram par les habitants est celle d'un usage extérieur du système de transports, qui permet efficacement de relier leurs quartiers à la ville de Lyon, sans pour autant créer de percée au sein même de la ville. [L'ouverture semble donc se faire dans un seul sens, depuis Vénissieux vers l'extérieur, sans réciprocité. Les quartiers de la ville continuant à fonctionner de manière relativement autarcique.]
La gare de Vénissieux, réalisant une liaison multimodale métro-tram-bus entre la ville et Lyon a été pointée par les habitants comme un nouveau lieu public de rencontre et un futur lieu de développement urbain [requalification des immeubles alentours].
Certains participants regrettent qu'en dehors des sorties des écoles, il n'existe pas de lieux de rencontres et d'échanges pour les mères de familles de la ville.
La salle de sports du quartier est un des principaux espaces de brassage de la ville, permettant aux habitants de se retrouver autour des activités de leurs enfants et aux résidents des différents quartiers de la ville de se rencontrer au cours des matchs opposant leurs enfants.
Le lieu de rendez-vous des jeunes du quartier Chareard n'est pas une place ou un bar, mais un « petit mur » sur lequel et autour duquel se regroupent les populations plus jeunes du quartier. [Il est intéressant de noter que ce lieu est commun comme tel et réservé à cette partie de la population, il ne s'agit donc pas d'un espace public à proprement parler, mais d'un espace semi-privatisé par cette frange de la population du quartier. Les autres quartiers de Vénissieux fonctionnent apparemment sur le même mode.]
Les jeunes mamans du quartier ont souligné l'absence d'aires de jeux pour les enfants, ce qui ne facilite pas les sorties avec leurs petits, ni les rencontres, aussi bien entre parents qu'entre enfants. Le domicile et l'école restent les espaces de socialisation privilégiés d'une grande partie des habitants du quartier, notamment les femmes, les enfants et les seniors.
À Vénissieux, la population dispose de quelques équipements dont ils sont fiers et qu'ils exploitent beaucoup.
Les participants ont souligné avec fierté la présence de cette école supérieure dans leur ville, dont la réputation est internationale. Ils ont cependant souligné que les habitants de Vénissieux ne fréquentaient pas cette école, localisée dans la ville sans y être véritablement intégrée.
Les Grandes Terres, situées juste au sud de Vénissieux , constituent un espace de promenade situé à proximité de la ville et jouissant d'un rayonnement au-delà de la commune. Cet espace est relié à la ZUP de laquelle partent des chemins pédestres balisés. [Il faut néanmoins noter que cet espace fait partie des pratiques d'une partie seulement des participants, les autres préférant les espaces publics plus urbains du centre-ville de Lyon, ou les espaces verts de la région lyonnaise.]
Ce quartier, situé à proximité du huitième arrondissement de Lyon, serait très peu intégré au reste de la ville à cause d'un faible réseau de transports et surtout d'un très faible investissement par la population, qui ne semble pas l'associer véritablement à la ville de Vénissieux.
Selon les participants, il existe une zone pavillonnaire au sud-est de Vénissieux dans laquelle il ne se produirait aucune interaction entre les différentes communautés [maghrébine, italienne, portugaise, espagnole], contrairement à l'environnement des Minguettes, par exemple, caractérisé par une forte proximité, voire promiscuité, entre les habitants.
Des équipements, mais peu d'espaces publics. Des liaisons, mais peu d'ouverture. Une centralité autour des Minguettes, des no man's land autour.
Pour les participants, le Lac de Miribel est un lieu de loisirs qu'ils fréquentent régulièrement.
Le Parc de Paris est également prisé par la population, qui y voit un lieu propice aux loisirs et aux sports.
Les participants apprécient particulièrement les lieux de nature pour leurs loisirs.
D'après les participants, le Parc Wallaby est une opportunité de divertissement facilement accessible à tous.
Le Lac des Sapins situé à 40 km au nord de Lyon est un espace proposant de nombreuses activités de plein air [équitation, base nautique]. C'est un lieu de loisirs auquel la population se rend pour une journée.
Les participants se déplacent pour de courtes périodes, dans d'autres régions, pour accéder à une offre de loisirs ou commerciale différente.
Les élèves de Vénissieux auraient la possibilité, dans leur cursus scolaire, et depuis des années, de participer à des séjours linguistiques à l'étranger. [C'était notamment le cas des 3 participants les plus jeunes du groupe.]
Les participants d'origine immigrée ont déclaré avoir participé à des voyages organisés par des associations pour découvrir la capitale. En plus des incontournables touristiques, les étapes clés de ce tour seraient des lieux fortement caractérisés au niveau identitaire et culturel par leur usage [Tati] ou par leur vocation [IMA].
Certains participants ont montré qu'ils avaient des pratiques de mobilité vers l'étranger qui n'étaient pas forcément liées au tourisme, soit de manière individuelle, soit en groupe, avec des cars affrétés par des associations de seniors par exemple.
Certains participants partent à l'étranger pour participer à des événements ponctuels type foires ou salons.
Certains participants vont jusqu'en Espagne pour passer des vacances au bord de la mer.
Les habitants de Vénissieux auraient tendance à se déplacer vers le Sud [Montpellier, Antibes, Menton, Fréjus, Costa del Sol, Alger, Marrakech, etc.] plutôt que vers le Nord. Même Paris ne semble pas être particulièrement attractif et ne ressort pas particulièrement des pratiques décrites par les participants.
Les participants d'origine immigrée [Méditerranée] ont déclaré utiliser Marseille comme une étape quand ils vont visiter leur famille dans leur pays d'origine.
Les participants apprécient le fait qu'il existe des vols directs pour le Maghreb, ce qui leur évite de devoir passer par Paris et qui soulignent l'importance de la demande.
Une ville de l'entre soi.
Les participants ont expliqué qu'il existait une frontière immatérielle entre les Minguettes et les autres quartiers, et plus généralement entre chaque quartier de la ville, voire entre les sous-ensembles composant chacun des quartiers. Il est donc nécessaire, pour les non résidents de chaque quartier, de disposer des « passeurs » nécessaire pour pénétrer sur un territoire autre que le leur. [Il est intéressant de noter que cette remarque n'a pas été formulée comme une critique mais au contraire comme une explication du fonctionnement, considéré comme normal, de l'espace urbain de Vénissieux.]
Les participants témoignent ici du clivage très poussé entre les quartiers et du manque d'intégration autour d'un centre unique et bien identifié, comme aurait pu l'être le centre historique de Vénissieux.
Les participants ont constaté que les femmes voilées avaient tendance à se fréquenter entre elles et à ne pas se mélanger avec le reste de la population, y compris pour éviter les regards soupçonneux ou les remarques désobligeantes quant à leur tenue.
Tous les participants sont d'accord pour dire que les bars de Vénissieux ne sont fréquentés que par des hommes. Les femmes n'y sont pas admises car cela serait considéré comme une conduite inconvenante. Elles fréquentent donc le Mac Donald situé au nord de la ville et les espaces publics de Lyon.
Le Parc des Minguettes serait de moins en moins fréquenté par certains participants, du fait des dangers liés aux scooters y circulant illégalement. La population ne se sentirait pas en sécurité et ne s'y attarderait donc pas.
La ville de Vénissieux aurait acheté ou loué des terrains de camping, ainsi que des centres de vacances, dans certaines villes du Sud, notamment près de Montpellier et en Corse, afin de permettre à la population résidente d'y partir en vacances à moindre coût. Les participants ont visiblement bien intégré ces pratiques puisque tous en avaient profité à un moment ou un autre de leur vie. [Il faut néanmoins noter que ces espaces sont réservés aux ressortissants de Vénissieux et ne favorisent donc pas la mixité sociale souvent occasionnée par les séjours touristiques, puisque les mêmes se retrouve ailleurs.]
Le futur, c'est les habitants.
Les participants souhaiteraient que leur quartier soit plus mixte et diversifié en termes socio-démographiques, pour que de nouvelles dynamiques puissent s'instaurer et qu'il perde progressivement la connotation négative liée à sa trop forte homogénéité sociale et culturelle.
Les participants ont néanmoins souligné que la tendance de la population résidente à rester dans le quartier, génération après génération, ne facilitait pas l'ouverture et le renouvellement auquel ils aspirent, faute de place pour des populations nouvelles. [Il a été suggéré par l'animation que le renouvellement pouvait également passer, au moins partiellement, par la population présente ? venant à Vénissieux ? et pas forcément résidente.]
Le problème de la drogue, une priorité ? Une partie des participants a insisté sur le fait que le règlement des problèmes de délinquance liés aux trafics de drogue dans la ville était une priorité stratégique pour envisager son développement futur. Mais le reste du groupe a beaucoup minimisé l'impact de ces trafics sur le présent et l'avenir de la ville, partant du principe que les problèmes se situaient ailleurs, notamment au niveau de l'image déformée de la ville vis-à-vis de l'extérieur.
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